La mesure de la douleur
Mais par quels moyens peut-on donc mesurer la douleur ?
Il faut tout d’abord savoir que ce n’est pas la douleur elle-même que l’on va chercher à évaluer mais plutôt le ressenti de la personne puisque le degré de douleur dépend beaucoup de l’individu touché.
Les informations sur la douleur des patients sont primordiales en médecine, en peri-opératoire, lors de la mise en place des traitements et pour l’évaluation de leur efficacité, c’est pourquoi la plupart des outils de mesure de la douleur sont issus du monde médical et particulièrement du milieu hospitalier.
L'évaluation de la douleur commence par l'établissement d'un bilan complet. Ce bilan comporte l’historique médical du patient, la localisation de la douleur, le diagnostic de la cause associée, les traitements antalgiques déjà entrepris, etc. L’examen clinique doit être complété par un bilan neurologique, des examens complémentaires si nécessaire, et une évaluation psychologique et sociale du patient (contexte familial, entourage affectif, évaluation de l’état dépressif, etc.). L’évaluation de la douleur prend place dans ce bilan global.
Les outils d’autoévaluation
Les outils les plus simples sont des échelles quantitatives, sur lesquelles le patient évalue lui-même l’intensité globale de sa douleur entre deux extrêmes : d’« absence de douleur » jusqu’à « douleur maximale imaginable ».
L’échelle numérique (EN) propose des niveaux de 0 à 10 entre ces deux extrêmes, tandis que l’échelle visuelle simple (EVA) permet de marquer une croix sur une ligne continue (l’échelle est graduée au verso, ce qui permet au personnel soignant de noter un score).
Quant à l’échelle verbale simple (EVS), elle permet de choisir le qualificatif le mieux adapté parmi une liste d’adjectifs (absente, faible, modérée, intense, extrêmement intense, etc).
Ces échelles simples permettent une première évaluation et le suivi de l’efficacité d’un traitement antalgique pour un malade donné. Elles ne donnent pas ou peu d’informations sur les caractéristiques de la douleur perçue, d’où l’utilisation d’outils plus précis, dits qualitatifs.
Parmi ces derniers, le QDSA (Questionnaire douleur de l’hôpital Saint-Antoine) est l’un des plus utilisés en France. Il repose sur un éventail de qualificatifs que le patient doit choisir et noter, de 0 (absent) à 4 (extrême), pour exprimer au mieux sa douleur. D’autres échelles qualitatives du même type sont en usage dans le monde. Elles permettent une approche des mécanismes en cause.
Les outils d’hétéroévaluation
Ils sont utilisés chaque fois que la personne souffrante a des difficultés à s’exprimer et reposent sur des observations de comportements, effectuées par le personnel soignant : expressions, attitudes, mouvements, positions, plaintes, etc. Elles sont plus particulièrement destinées aux jeunes enfants et aux personnes âgées.
Chez les personnes âgées, il existe des grilles d’observation. Deux principales en usage en France sont : l’ECPA (Échelle comportementale de la douleur chez la personne âgée, utilisable quel que soit le degré de communication) et l’échelle Doloplus 2. Là encore, c’est un ensemble d’attitudes et comportements qui sont notés de 0 à 4.
D’autres approches existent enfin, notamment chez les enfants. Elles passent par le dessin et l’expression non verbale qui sont évalués par l’équipe soignante (psychologue, médecin, infirmière).
Comment mesure-t-on l'intensité de la douleur ?
Si le patient peut évaluer l’intensité de la douleur qu’il ressent, il existe plusieurs méthodes pour lui permettre de décrire l’intensité de sa douleur à ses soignants.
Les outils d’autoévaluation
Évaluation numérique
On demande au patient de donner soit à l’oral, soit à l’écrit, une note à sa douleur entre 0 (absence de douleur) et 10 (douleur maximal imaginable). Cette méthode est utilisée aussi bien pour l’évaluation de la douleur aiguë que celle de la douleur chronique.

Echelle verbale simple
On demande au patient de choisir un mot qualifiant le mieux sa douleur parmi une liste. La liste la plus couramment utilisée cinq qualificatifs :
-douleur absente,
-douleur faible,
-douleur modérée,
-douleur intense
-douleur insupportable.
Il est difficile de comparer les douleurs entre patients car il n’existe pas de consensus sur le nombre de mots ni sur les mots utilisés.
Echelle visuelle analogique (E.V.A.)
C’est l’échelle la plus utilisée dans les essais cliniques. Cette méthode utilise une réglette graduée au minimum par « douleur absente » et au maximum par « douleur maximum imaginable ». Le patient doit placer un curseur selon cet axe pour désigner le mieux sa douleur et de l’autre côté de la réglette se trouve des graduations en millimètre qui sont seulement lues par le soignant. Cela lui permet de déterminer une valeur chiffrée de l’intensité de la douleur. Cette méthode ne peut être utilisée que si le patient peut communiquer et est capable d’abstraction.

Echelle des visages
Pour évaluer l’intensité de la douleur chez l’enfant, on utilise une échelle des visages comme celle de Wong-Baker. Le soignant demande alors à l’enfant lequel des visages à autant mal que lui. Le visage désigné est ensuite traduit en une valeur numérique. Cette échelle est utilisée de façon courante en pré-hospitalier et en urgence. Elle présente l'avantage d'être très graphique et elle est donc facilement et rapidement comprise par les enfants. Elle est utilisable à partir de l'âge de trois ans.

L'échelle de Oucher
C’est une variante de l’échelle des visages. Développée au début des années 80, ce système est destiné à évaluer la douleur des enfants de 3 à 12 ans (bien qu'elle ait été utilisée avec succès chez des adolescents).
Elle se présente sous forme de photos échelonnées verticalement à côté desquelles une graduation de 0 à 100 permet d'objectiver le résultat sous forme numérique. Les enfants capables d'utiliser directement l'échelle numérique ne passent pas par la désignation de la photo qui correspondrait le mieux à leur état de douleur.
Le système a été adapté aux différentes ethnies et on peut ainsi trouver des échelles destinées aux enfants d'origine africaine, hispanique ou caucasienne. Initialement, l'échelle était présentée sous forme de poster accroché à un mur. L'enfant était donc simplement placé en face et devait désigner soit le niveau correspondant sur l'échelle numérique, soit la photo la plus adaptée.

L’auto évaluation permet de mesurer la douleur ressentie par le patient. Elle peut être biaisée par les aspects psychologiques et ne correspond donc pas forcément à douleur physique réelle engendrée par la lésion. De plus certains patients ne sont pas capables de réaliser une auto évaluation de leur douleur. Afin de s’affranchir de ces écueils des outils d’évaluation de la douleur par des personnes extérieures ont été développés.
Les outils d'hétéro-évaluation
Lorsque l'auto-évaluation n'est pas réalisable (patient non communiquant, enfant de moins de 4 ans, personnes âgées …), l'évaluation de la douleur doit s'effectuer au moyen d'outils d'hétéro-évaluation.
Les outils d'hétéro-évaluation sont basés sur le principe de l'observation par une tierce personne (soignant, aidant, famille) des manifestations comportementales qui sont des indicateurs de la douleur (expression faciale, mouvements corporels, cris ou pleurs, état de veille ou sommeil).
Echelle comportementale simplifiée
Cette méthode repose sur l’observation par les soignants des modifications du comportement du patient. Le soignant évalue la douleur selon plusieurs critères comme la présence ou non de gémissement ou le niveau de crispation du patient. L’utilisation de cette méthode implique que le personnel soignant connaisse bien le patient.

D’autres grilles d’évaluation plus complexes sont utilisées chez les personnes âgées notamment, lorsqu’elles sont incapables d’évaluer leur douleur ou de communiquer, comme par exemple l’échelle DOLOPLUS 2.
Échelle Doloplus 2
Cette échelle, très utilisée chez la personne âgée atteinte de troubles cognitifs ou en incapacité de communiquer, évalue la douleur dans sa globalité. Elle comporte 10 items en trois sous-groupes. Chaque item est côté sur quatre niveaux. Cette échelle est une des rares à nécessiter une cotation en équipe afin d'être la plus précise possible. Lorsque le score est supérieur ou égal à 5/30, la douleur doit être prise en charge. Si un item n'est pas adapté, il faut s'abstenir de le coter (et bien évidement en tenir compte dans le score total).

La douleur nécessite d'être évaluée dans différents contextes et différentes situations. Par exemple, en mouvement passif lorsque le soignant mobilise une jambe, en mouvement actif de la part du patient, ou encore en situation de vie normale par exemple lorsque le patient va se verticaliser et reprendre la marche. Les outils présentés doivent en principe être utilisés de façon répétée sans changer de contexte et de type de stimulation.
La douleur peut également être quantifiée avec des scanners de la même manière que l’amour, en évaluant l’activité cérébrale. Mais tout comme l’amour, cette technique n’est pas spécifique à la douleur et ne permet donc pas de réellement conclure sur la présence de douleur ou non.